Journée d’étude : « Quelles innovations contre le non-recours aux droits sociaux et de santé ? »

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Journée d’étude : « Quelles innovations contre le non-recours aux droits sociaux et de santé ? »

Le mardi 05 septembre 2023 s’est déroulée la journée d'étude sur les innovations contre le non-recours à l'Université libre de Bruxelles. Deux chargées de projets du RESO ont assisté à cette journée et vous proposent un retour sur les éléments qui les ont marquées.

L’ambition de cette journée était d’explorer, au cours de conférences et d’ateliers participatifs, les mécanismes du non-recours aux droits sociaux et de santé et de discuter de pistes d’action pour le combattre, tout en se fondant sur l’expérience d’utilisateur·ices, de chercheur·ses, de professionnel·les du secteur social, ainsi que de représentant·es d’administrations et d’institutions.

Parmi les présentations et les ateliers auxquels le RESO a assisté, nous retenons plusieurs éléments, voici notre partage :

 

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Retour présenté par Camille Guiheneuf
Chargée de projets en promotion de la santé

 

 

La digitalisation : une solution ?

De manière transversale aux conférences de Laurence Noël (collaboratrice scientifique auprès de l’Observatoire de la Santé et du Social) et de Henk Van Hootegem (coordinateur du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale), ainsi qu’à l’atelier sur la fracture numérique auquel j’ai participé, la thématique de la digitalisation a été plusieurs fois abordée.

Lutter contre le non-recours est une question de justice sociale. En effet, comme l’a expliqué Henk Van Hootegem lors de sa présentation, le non-recours est lié à la position socio-économique d’un individu (revenu, niveau d’éducation, origine). Ainsi, à titre d’illustration, dans le cadre d’une analyse statistique sur le (non —) recours suite à la mise en place d’une mesure d’aide à la mobilité, le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale conclue que « Le taux de recours augmente d’environ 10 points de pourcentage lorsque le niveau d’instruction augmente » (présentation de Henk Van Hootegem, 2023).

Actuellement, la question de la lutte contre le non-recours devient de plus en plus une préoccupation des pouvoirs publics (mise en place de journées de réflexion et de travail au parlement de la CoCof ; groupe de travail du SPF-Sécurité sociale et du SPP-Intégration sociale ; collaboration du SPF-Sécurité sociale sur la recherche BELMOD-projet). Également, la crise sanitaire a induit des changements qui ont permis un certain assouplissement des procédures administratives entraînant une facilitation au recours aux droits sociaux et de santé.

Les intervenant·es ont souligné qu’une des solutions fréquemment évoquées pour lutter contre le non-recours est la digitalisation (ou la numérisation) des procédures. Cette démarche numérique offre une forme d’autonomie aux utilisateur·ices (à ceux et celles avec des difficultés pour se déplacer jusque dans un CPAS par exemple), lorsqu’ils ou elles entament des procédures. Cette autonomie peut également être bénéfique pour les personnes qui hésitent à aller physiquement dans les institutions en raison de sentiments de honte, de culpabilité ou encore de la peur d’être stigmatisé·e.

Cependant, cette « autonomisation » pourrait impliquer une forme de délégation du travail et un transfert de responsabilités vers les bénéficiaires, ce qui pourrait défavoriser ceux et celles qui ne possèdent pas les compétences nécessaires pour utiliser des outils technologiques ou numériques avec aisance. De plus, il semble essentiel pour les intervenant·es de cette journée d’avoir une prise en compte holistique de l’environnement de l’usager·e : tout le monde ne possède pas le matériel adéquat pour effectuer des démarches administratives de son propre chef.

Par conséquent, les intervenant·es ont insisté sur la nécessité de maintenir des guichets ouverts pour conserver des possibilités d’accueil physique. Cette fonction devrait être renforcée, malgré une digitalisation croissante qui est parfois en contradiction avec le droit à l’information. Enfin, les interfaces numériques devraient être conçues de manière à garantir une transmission d’informations de qualités et compréhensibles par toutes et tous, en proposant la traduction des informations dans plusieurs langues par exemple.

 

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Retour présenté par Laura Mertens
Chargée de projets en promotion de la santé

 

 

Venir à la rencontre des bénéficiaires : une solution ?

https://lh4.googleusercontent.com/cQy2etDoEgEsZDdMunw2DkVCthsvafB8VOFFiNg_AnLBh8THjcPH8osyBY61NZwYoojeCgSiiXsL72KOtU1_8gGvWVaFviA9sHb19pNS5Wi9ZV0PnDOp2CmnweMXtSMyGrZpH2xgFOyMui3PdzpwBc4Carole Bonnetier (CIRTES) et Joëlle Mottint (RIEPP) sont venues présenter dans le cadre d’un atelier sur la « non-demande », la recherche NOUR sur le non-recours aux services d’éducation et d’accueil de la jeune enfance de l’ONE. (Lien vers la synthèse de la recherche NOUR).

Cette recherche sur la « non-demande » a été mise en place pour questionner la pertinence et la qualité de l’offre publique et pour aller au-delà du constat d’un manque de places disponibles en milieux d’accueil. Cette enquête qualitative auprès d’un public invisibilisé en FWB (Fédération Wallonie Bruxelles) a pu mettre en lumière deux types de « non-demande ». Le premier est la « non-adhésion » qui exprime un désaccord ou une remise en cause des services existants. En guise d’exemple, certaines familles remettent en cause les modalités de déploiement de l’offre, dont le système de candidature pour entrer dans une crèche. D’autres personnes ne se sentent pas concernées par les services proposés, ce qui aborde le deuxième point que les auteur·es ont nommé le « non-concernement ». En effet, certaines personnes n’ont jamais eu d’expériences en milieu d’accueil ou se sentent capables de s’en passer.

Suite à la présentation de l’étude, les deux aspects de la « non-demande », ont été discutés en sous-groupe afin de chercher ses principales causes. Quelques-unes ont retenu mon attention :

  • La barrière de la langue entre les bénéficiaires et les professionnel∙les.
  • Les démarches administratives qui peuvent être très longues et compliquées dû entre autres à une multiplicité de services en santé.
  • La nonflexibilité des services en termes d’horaire, de déplacement, etc.
  • La nonreconnaissance de la solidarité informelle entre bénéficiaires.

Dans un autre atelier d’échange sur des suggestions contre le non-recours, les participant∙es ont exprimé leur besoin d’aller plus à la rencontre des bénéficiaires afin de lutter contre le non-recours. Pour la majorité, favoriser des rencontres dans des endroits informels entre professionnel∙les et bénéficiaires viendrait diminuer la « non -connaissance » de programme et/ou la « non -demande » de services dispensés à la population. En reprenant les différentes causes de la « non-demande » citées ci-dessus, certaines recommandations ont été exprimées.

  • La sensibilisation dans les écoles grâce à différents interprètes et de la documentation dans plusieurs langues aideraient à réduire la barrière de la langue entre les bénéficiaires et les professionnel∙les.
  • La facilitation des textes législatifs sur les droits sociaux et de santé permettrait d’avoir des démarches administratives plus fluides et plus faciles pour tout un chacun.
  • Des rencontres informelles dans des laveries, des fêtes de village, etc. amèneraient une meilleure flexibilité des professionnel∙les à la rencontre des bénéficiaires.
  • Des moments d’échanges sur différents parcours de vie créeraient de la confiance et de la solidarité entre pairs.

Cette journée riche en échanges a pu faire naître de nouvelles collaborations entre professionnel∙les, mais aussi à trouver des recommandations pour la lutte contre le non-recours aux droits sociaux et de santé. J’en retiens qu’il y a une réelle envie des participant∙es à vouloir faire bouger les choses et d’œuvrer ensemble face à cette problématique.