Chaire Hoover │ Bourse de doctorat FSR SeedFund - appel à candidatures
isp | Louvain-la-Neuve

Domaine : philosophie politique/théorie politique
Lieu : UCLouvain, Louvain-la-Neuve (Belgique)
Durée: 24 mois
(Cette bourse est conçue comme un tremplin vers une bourse de 4 ans)
Prise de poste: 1er octobre 2025 (négociable)
Rémunération: autour de 2470 € nets par mois
La bourse s’inscrit dans un projet de recherche en philosophie politique normative intitulé « L’égalité des charges. Fondements, limites et implications », qui peut faire l’objet d’une réappropriation par la personne retenue.
Le projet de recherche
Les théories de la justice sont devenues l’un des champs principaux de recherche en philosophie politique normative (Kymlicka 2002) comme en économie du bien-être (Fleurbaey 1996) à partir de la publication de Théorie de la justice de John Rawls en 1971. Ce dernier définissait la justice distributive par « la répartition adéquate des bénéfices et des charges [burdens] de la coopération sociale » (Rawls 1987, p. 31). Cette définition fait aujourd’hui largement consensus. Or, la grande majorité des théories de la justice qui ont été élaborées depuis Rawls ont négligé la question de la juste répartition des charges. Rawls lui-même n’en disait pas grand-chose, se concentrant sur la répartition des « biens premiers sociaux » (droits, libertés, revenu, capital et bases sociales du respect de soi) qui comptent plutôt comme des avantages que des charges. Il n’a évoqué la distribution des charges qu’en passant, dans sa discussion des principes de fiscalité juste (Rawls 1971, § 43) ou de la répartition des efforts de développement économique entre les générations (§ 44). Par ailleurs, comme l’illustre sa fameuse objection à l’idée que la collectivité subvienne aux besoins des surfeurs de Malibu (Rawls 2001, p. 224 ; Van Parijs 1991), il semblait implicitement tenir pour acquis que chacun contribue à la coopération sociale par le biais de l’emploi.
À côté de la fiscalité ou du changement climatique, le travail est d’ailleurs une des rares domaines où la juste répartition des charges ait été abordé dans les théories de la justice. Ainsi, une forme d’obligation contributive a souvent été proposée en réponse à l’idée d’une garantie de revenu inconditionnelle (White 2003 ; Olson 2020). Si cette obligation a souvent été présentée comme découlant d’une exigence de réciprocité, elle peut aussi être lue comme une exigence de juste répartition des charges. Il suffit d’ailleurs de se référer à la littérature féministe dénonçant l’inégale répartition du travail domestique (Okin 1989) ou plus largement du travail de reproduction sociale (Bhattacharya 2017) pour voir le lien entre travail et juste répartition des charges.
Néanmoins, si un principe normatif d’égale répartition des charges semble évident dans le cadre domestique – malgré les inégalités qui prévalent en pratique dans la plupart des couples hétérosexuels – il l’est moins dans le domaine de l’emploi. Au contraire des partenaires dans un couple standard (sans situation de handicap, par exemple), les citoyens sont loin d’être égaux devant l’emploi. Certains disposent de davantage d’opportunités que d’autres, qui n’ont accès qu’à des emplois précaires et pénibles. Les emplois étant très hétérogènes, les implications de l’égalité des charges sont plus difficiles à établir. Or, la littérature existante ne fournit pas d’analyse fine des différentes dimensions de l’égalité des charges ni de critères clairs pour différencier les exigences de justice face à différents types de charges.
Objectifs et hypothèses
Ce projet de doctorat vise à combler ce manque en évaluant et comparant différents principes de juste répartition des charges. Il s’agit à la fois d’établir des principes de justice robustes et d’en explorer les implications concrètes dans une série de domaines de l’éthique économique, sociale et politique. Outre l’emploi et le travail de care (incluant les charges mentales et émotionnelles), les domaines potentiellement pertinents sont la fiscalité, où s’affrontent les principes de contribution proportionnelle et progressive ; le changementclimatique, qui fait peser des charges extrêmement inégales sur différentes nations et groupes sociaux (André & Gosseries 2024) ; ou encore la distribution des charges politiques, qui faisaient l’objet d’un principe de distribution aléatoire et de rotation à Athènes (Manin 1995) qu’on retrouve encore aujourd’hui dans la sélection des assesseurs et jurés, par exemple.
Selon les affinités de la personne recrutée pour mener à bien ce projet, trois cas pratiques seront sélectionnés parmi ces exemples, leur étude permettant d’affiner ou rejeter le principe d’égalité des charges, qui sera contrasté avec des principes concurrents comme la répartition des charges en fonction des capacités – selon la formule de Marx (Gilabert 2023, ch. 3) –, en fonction des privilèges et du pouvoir (Young 2011), ou encore en fonction de la responsabilité historique (Bessone 2019).
L’hypothèse centrale qui devra être mise à l’épreuve des cas pratiques est que le principe d’égalité des charges convient particulièrement aux relations symétriques, mais doit être modifié 1) dans les cas de relations asymétriques et 2) face à des charges fortement hétérogènes. En effet, il semble parfois pertinent de tenir compte des différences de capacités et de responsabilités. Par ailleurs, il faut sans doute ajouter dans la balance les bénéfices de la division du travail et de la spécialisation, qui peuvent malmener un idéal d’égalité stricte des charges, en particulier dans la sphère de l’emploi et donner lieu à des règles de compensation pour charges inégales.
Références
André, P., & Gosseries, A. (2024). La justice climatique. PUF.
Bhattacharya, T. (2017) (dir.). Social reproduction theory: Remapping class, recentering oppression. Pluto Press.
Bessone, M. (2019). Faire justice de l’irréparable. Esclavage colonial et responsabilités contemporaines.
Fleurbaey, M. (1996). Théories économiques de la justice. Economica.
Gilabert, P. (2023). Human dignity and social justice. Oxford University Press.
Kymlicka, W. (2002). Contemporary political philosophy: An introduction. Oxford University Press.
Manin, B. (1995). Principes du gouvernement représentatif. Calmann-Lévy.
Olson, K. A. (2020). The solidarity solution: Principles for a fair income distribution. Oxford University Press.
Okin, S. M. (1989). Justice, gender, and the family. Basic Books.
Rawls, J. (1987). Théorie de la justice. Seuil.
Rawls, J. (1993). Libéralisme politique. PUF.
Van Parijs, P. (1991). “Why Surfers Should be Fed: The Liberal Case for an Unconditional Basic Income”. Philosophy & Public Affairs, 101-131.
White, S. G. (2003). The civic minimum: On the rights and obligations of economic citizenship. Oxford University Press.
Young, I. M. (2011). Responsibility for justice. Oxford University Press.
Environnement de travail
La personne recrutée sera accueillie à la Chaire Hoover d’éthique économique et sociale de l’UCLouvain, où elle travaillera sous la supervision de Pierre-Étienne Vandamme (responsable scientifique du projet), qui l’aidera dans la recherche d’un financement plus long via le FNRS.
Profil recherché
- Être titulaire (d’ici septembre 2025) d’un master en philosophie ou science politique (orientation théorie politique) obtenu avec mention et une moyenne qui permet d’espérer un financement du FNRS
- Bonne connaissance des théories de la justice distributive
- Intérêt marqué pour les théories féministes
- Capacité d’écriture analytique (clarté et rigueur argumentative)
- Maîtrise de l’anglais ou du français (niveau C1 souhaité dans l’une des deux langues)
Conditions de travail
Lieu de travail: Chaire Hoover, Louvain-la-Neuve, Belgique
Présence sur place souhaitée 2 à 3 jours par semaine (notamment le mardi) en période de cours
Possibilité de télétravail le reste du temps
Budget de fonctionnement de 5000 € (pour les deux années) pour l’équipement informatique et les déplacements professionnels (ex : colloques à l’étranger)
Prise en charge des déplacements en transport en commun vers le lieu de travail à partir de la Belgique
Dossier de candidature
Le dossier de candidature doit être soumis pour le 14 août 2025 et comportera :
- Une lettre de motivation d’1-2 pages
- Un CV détaillé mentionnant 1) diplômes et études en cours, 2) thèmes sur lesquels vous avez travaillé pendant vos études, 3) moyenne de notes et 4) adresse e-mail d’une personne de référence qui pourrait être contactée pour remettre un avis sur votre candidature
- Une copie du/des diplôme(s) et des relevés de notes des études universitaires
- Un texte publié ou rédigé à l’occasion d’un cours, par exemple, sur un sujet de votre choix (en anglais, français, néerlandais, espagnol ou italien)
Le dossier est à envoyer sous la forme d’un pdf unique à pierre-etienne.vandamme@uclouvain.be
Toutes les questions concernant cette candidature peuvent être envoyées à la même adresse.
Les personnes présélectionnées sur base de ce dossier seront invitées à un entretien en ligne la semaine du 25 au 29 août 2025, date de la décision finale. Les autres recevront une réponse avant le 22 août.
All the information in english : https://euraxess.ec.europa.eu/jobs/353738