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77 % des agriculteur·ices francophones en détresse psychologique

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29 November 2025, modifié le 1 December 2025

 

En bref :

  • L’UCLouvain dévoile la première étude belge, réalisée dans le cadre d’un mémoire de master en sciences psychologiques, sur la détresse du monde agricole en Belgique francophone
  • Les constats ? 53 % agriculteur·trices francophones présentent des niveaux de dépression modérément sévères à sévères, 28 % sont à haut risque de burnout ou en burnout et 18 % des agriculteurs ont pensé au suicide au cours du mois écoulé. Et pour cause : 77 % des agriculteur·trices francophones ont un déséquilibre entre les facteurs de risque et de protection de la détresse, contre 25 % chez les salarié·es
  • Les témoignages récoltés montrent la détresse liée au métier : « Je pense que je serais mieux morte que vivante. Mais pas de suicide. J’espère juste que la vie me fera ce cadeau de mourir ‘jeune’ »

Contacts presse :   
Rosalie Vercruysse, co-autrice du mémoire d’étude UCLouvain : gsm sur demande, rosalie.vercruysse@hotmail.com 
Jeanne Warnant, co-autrice du mémoire d’étude UCLouvain : gsm sur demande, jwarnant1@gmail.com 
Moïra Mikolajczak, professeure de psychologie à l’UCLouvain : gsm sur demande

L’UCLouvain a analysé la souffrance du monde agricole. C’est la première fois qu’une étude est menée en Belgique francophone sur le sujet, alors qu’il est déjà bien documenté chez nos voisins et qu’il fait partie des préoccupations de la COP30.

Réalisée par Rosalie Vercruysse et Jeanne Warnant dans le cadre de leur mémoire de master en sciences psychologiques, cette étude UCLouvain révèle que la majorité des agriculteur·trices belges francophones présentent un déséquilibre important entre leurs facteurs de risque (facteurs augmentant le stress) et leurs facteurs de protection (ressources diminuant le stress).

L’étude s’est appuyée sur une démarche scientifique mixte : examen de la littérature scientifique et « grise » (enquêtes d’associations professionnelles et dans la presse spécialisée), entretiens exploratoires, puis enquête auprès de 133 agriculteur·trices, recruté·es sur la base de leur vécu professionnel et non de leur niveau de détresse.

Pour interroger leur échantillon, les autrices de l’étude ont développé un outil inédit, appelé la Balance, qui mesure l’équilibre entre les facteurs de risque (pression économique, charge administrative, isolement…) et les facteurs de protection (soutien social, autonomie…). Cet outil permet d’évaluer dans quelle mesure un déséquilibre entre ces facteurs prédit statistiquement le burn-out, la dépression et/ou les pensées suicidaires.

Les analyses montrent que :

  • 77 % des participant·es présentent une balance qui penche du côté des risques ;
  • Ce déséquilibre est un facteur de détresse psychologique ;
  • 53 % agriculteur·trices francophones présentent des niveaux de dépression modérément sévères à sévères, 28 % sont à haut risque de burnout ou en burnout et 18 % des agriculteurs ont pensé au suicide au cours du mois écoulé ;
  • Les facteurs qui pèsent le plus sont, dans la balance : les difficultés économiques, le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur l’exploitation et l’anxiété ;
  • Le pourcentage d’agriculteur·trices dont la balance est en déséquilibre est nettement supérieur à celui observé chez les travailleur·euses salarié·es, où environ 20 à 25 % présentent un déséquilibre comparable.

« Nous savions que les agriculteur·trices constituaient une population à risque, mais l’ampleur du déséquilibre et de la détresse observée est sans précédent », souligne Moïra Mikolajczak, spécialiste du burnout et encadrante du mémoire. « Ces données objectivent une réalité qui, jusqu’ici, n’était connue qu’à travers des témoignages. »

« Je ne sais plus comment tenir » : des témoignages édifiants
De nombreuses personnes interrogées ont utilisé l’espace commentaire du questionnaire pour exprimer leurs difficultés. Leurs messages reflètent un quotidien souvent marqué par la pression, la charge administrative et un sentiment de découragement :

  • « On passe la moitié de notre temps à remplir des papiers rédigés par des gens qui ne comprennent pas notre réalité » ;
  • « Nous ne sommes que les pions d’un système. Notre outil de travail ne nous appartient plus » ;
  • « On nourrit le monde mais peu le perçoivent. On travaille d’arrache-pied pour être très mal payés » ;
  • « Je pense en effet que je serais mieux morte que vivante. Mais pas de suicide. J’espère juste que la vie me fera ce cadeau de mourir ‘jeune’. J’adore mon métier mais […] se sentir dévalorisée est compliqué. Le plus dur est d’être le 1er maillon de la chaîne et être le moins rémunéré. »

Pour Moïra Mikolajczak, le nombre et l’intensité des témoignages montrent un besoin urgent d’écoute et de mesures de soutien. Des structures existent  déjà mais manquent d’un financement suffisant pour répondre à la demande.

Les résultats de l’étude ont été transmis à la ministre wallonne de l’Agriculture Anne-Catherine Dalcq. La réaction de son cabinet a été rapide, signe d’un intérêt marqué pour cette problématique. Une rencontre est prévue début décembre, au cours de laquelle la ministre souhaite examiner les résultats de l’étude et envisager des pistes d’action concrètes.