Quand le cerveau pirate le microbiote !
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Des scientifiques de l’hôpital clinique de Barcelone en collaboration avec l’UCLouvain et l’Université de Santiago de Compostelle viennent de démontrer que, lorsque le cerveau dialogue avec l’intestin (pour indiquer s’il a faim ou pas), il a la capacité de contrôler la composition des bactéries dans l’intestin en un temps record (2h) et donc d’avoir une ingérence sur le sentiment, ou non, de satiété. Autre observation : cette communication cerveau/intestin dysfonctionne chez la souris obèse et diabétique, avec un impact sur la satiété, une découverte publiée dans la revue scientifique Nature Metabolism. L’intérêt ? Rétablir la communication entre le cerveau et l’intestin permettrait d’agir sur nos bactéries intestinales et contrôler nos habitudes alimentaires.
Des scientifiques de l’hôpital clinique de Barcelone (IDIBAPS) et de l’Université de Santiago de Compostelle (Espagne) ont fait appel à l’équipe de recherche du professeur Patrice Cani et de Matthias Van Hul, pour leurs compétences reconnues en matière de microbiote intestinal. L’objectif ? Démontrer que le cerveau peut modifier le microbiote en temps réel sans qu’il y ait forcément de prise alimentaire.
En situation normale, les zones qui contrôlent l’appétit dans le cerveau (hypothalamus) s’allument en cas de faim et s’éteignent lorsque le corps est rassasié, comme un interrupteur on/off. Lorsque cette zone est en ‘off’, le corps consomme ses propres réserves d’énergie, ce qui permet de réguler le poids. Or, chez les personnes diabétiques de type 2, ce système ‘on/off’ dysfonctionne, l’information de satiété n’est pas transmise correctement, ce qui explique une tendance à l’obésité.
Pour comprendre ce dysfonctionnement, les scientifiques espagnols, mené par Marc Claret, responsable du groupe de recherche Neuronal Control of Metabolism, et Ruben Nogueiras ont utilisé plusieurs techniques génétiques et pharmacologiques afin d’atteindre plusieurs zones du cerveau qui contrôlent l’appétit (faim/satiété). Parmi ces techniques, ils ont inséré un implant intracérébral avec une microaiguille afin d’y injecter, chez la souris, 3 hormones ayant un impact sur l’activation des zones de l’appétit (la ghréline, qui stimule l'appétit ; le GLP1, qui bloque l’envie de manger ; et la leptine, qui reflète nos réserves de graisses). L’objectif : activer ou bloquer à la demande les neurones de l’appétit afin de déterminer les actions de chaque molécule sur le comportement du microbiote intestinal.
Résultats ? Lorsque la zone qui inhibe la prise alimentaire est activée ou bloquée, les scientifiques notent une modification ultra rapide (2h) de la composition du microbiote intestinal (augmentation ou diminution de différentes bactéries). Ces modifications aussi rapides et aussi forte de la composition du microbiote étaient totalement inattendues, cela suggère un système adaptatif ultra-sensible, bien plus réactif qu’on ne le pensait. En clair, le fait de modifier les zones qui contrôlent l’appétit ou la faim dans le cerveau (j’ai faim/j’ai plus faim), a un impact sur les bactéries de l’intestin, qui réagissent comme si elles avaient reçu des nutriments, alors qu’il n’y a pas eu d’aliment ingéré. Du coup, elles renvoient des messages au cerveau, lui indiquant que le corps est à satiété ou bien n’a pas reçu de nourriture, alors qu’en réalité ce n’est pas le cas.
Ce travail démontre, pour la première fois, que le cerveau peut influencer activement et très rapidement la composition du microbiote intestinal.
Un pas plus loin, les scientifiques ont pu observer que cette action du cerveau sur le microbiote ne se produit pas chez la souris obèse et diabétique. Ce dialogue rompu entre le cerveau et le microbiote pourrait avoir un impact sur l’altération des habitudes alimentaires et donc le développement de l’obésité. Une découverte publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature Metabolism et financée principalement par La Caixa Foundation avec le soutien du WELRI et du FNRS.
La suite ? Cette découverte permettra, à terme, de développer des processus d’intervention pour rétablir la communication entre le cerveau et l’intestin et ainsi agir sur les habitudes alimentaires. Un exemple ? Des scientifiques ont déjà pu observer que, lors d’un bypass gastrique, l’hormone GLP1 est beaucoup mieux régulée et le microbiote est fortement modifié comme si la connexion existait mais était jusque-là en mode veille.