La musique nous rend-elle multilingues ?
fial | Louvain-la-Neuve
Les recherches des dernières années ont pu monter que, contrairement à ce que l’on a longtemps cru, la musique et la langue sont traités, à certains niveaux, de manière similaire par le cerveau. A partir de ce constat, on peut se demander si, en pratiquant la musique, ou simplement en l’écoutant, on entraine également les compétences linguistiques, que ce soit dans sa langue maternelle ou une langue étrangère.
On sait aujourd’hui que le fait de pratiquer un instrument de musique ou le fait d’utiliser la musique dans les cours de langues peuvent faciliter l’apprentissage linguistique. Par exemple, il a été largement décrit que les musiciens ont des facilités à percevoir les langues tonales, ces langues dans lesquelles le ton de la syllabe, c’est-à-dire la hauteur musicale, est utilisé pour distinguer les mots. En mandarin par exemple, le mot "ma" peut vouloir dire "maman", "cheval", ou "gronder", en fonction du ton utilisé. Les recherches ont également permis d’établir que l’utilisation de chansons permet de faciliter la mémorisation du vocabulaire dans une langue étrangère.
A la Faculté de Lettres de l’UCLouvain, nous analysons depuis quelques années si la musique peut aider les francophones dans leurs compétences orales de néerlandais. Le néerlandais et le français ont une prononciation très différente, que ce soit au niveau des sons individuels (le g de ‘gaan’ est par exemple difficile pour les francophones), ou au niveau de leur ‘mélodies’– ce qu’on appelle la prosodie. Chaque langue a sa propre mélodie. En français, on accentue la fin des mots et la fin des phrases. En néerlandais, on utilise un accent de mot et de phrase variables. Si on ne perçoit pas et ne produit pas correctement cette mélodie en néerlandais, la communication est vraiment perturbée et on garde un accent français important. C’est quelque chose d’encore très peu appris dans les cours de néerlandais, mais qui est pourtant essentiel.
Nos recherches ont pu montrer que les francophones musiciens arrivent à percevoir plus facilement cette mélodie du néerlandais que les non-musiciens. On observe aussi que l’utilisation de la musique, ou même simplement du rythme, permet de faciliter la détection de cette mélodie. Nous sommes actuellement en train d’étendre ces recherches à la production orale. Les premiers résultats montrent cependant que l’effet de la musique serait moins important au niveau de la production qu’au niveau de la perception de cette mélodie du néerlandais.
Ces diverses recherches montrent que la musique, et l’utilisation de la chanson, ne sont pas que des activités ludiques à réserver à des moments récréatifs. La musique stimule des compétences cognitives, qui s’étendent jusqu’aux capacités linguistiques. L’utilisation de chansons est aussi une manière d’ouvrir le cours à la culture de la langue, parfois peu abordée dans les cours de langues. Il reste maintenant à encourager et soutenir les enseignants à intégrer ces formats d’apprentissage dans leurs cours de néerlandais. Nos enquêtes de terrain ont établi que les enseignants en Belgique francophones sont largement favorables à l’intégration de musique dans leurs cours, mais ils ne savent souvent pas comment s’y prendre et quels sont les intérêts concrets. Le spectacle du 15 mai leur permettra d’assister à un projet musical mené par 12 apprenants du néerlandais. La faculté organisera également, à l’automne 2025, une journée didactique à destination des enseignants de néerlandais du secondaire et qui présentera des idées concrètes applicables dans la classe.
Pour consulter l'article du Vers l'Avenir.
Pour consulter le reportage sur RTL-TVI.