Pour une pédagogie inclusive efficace et accompagnée
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Attentive depuis longtemps à l’égalité des chances, l’UCLouvain a les capacités pour une avancée majeure : passer d’une logique d’intégration à une logique pleinement inclusive touchant nettement plus d’étudiants. Éclairage sur ce projet avec Mariane Frenay, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation, et Emilie Collette, maîtresse de conférence invitée et postdoctorante EDI (équité, diversité et inclusion).
En quoi la pédagogie de l’UCLouvain n’est-elle pas suffisamment inclusive ?
Emilie Collette : L’UCLouvain se positionne depuis des années comme une université pionnière en matière d’enseignement inclusif. Il y a une volonté marquée de promouvoir l’égalité des chances, l’accessibilité et la non-discrimination. Cependant la réalité actuelle, dans toute la Communauté française de Belgique, c’est que nous sommes dans une approche d’intégration – avec des aménagements raisonnables pour certaines personnes –, plutôt que de véritable inclusion qui répondrait aux besoins diversifiés de l’ensemble de la population.
Mariane Frenay : Oui, c’est la traduction dans les pratiques qui a besoin d’aller plus loin. L’idée c’est de dire que tout le monde fait partie du groupe et que ce « tout le monde » n’est pas unique, il est diversifié. Il faut sortir de l’idée qu’il y a un étudiant moyen.
Concrètement, qu’est-ce qui peut être amélioré ?
Mariane Frenay : La pédagogie universelle vient du « design universel » en architecture, dont l’exemple classique est la rampe d’accès. Nécessaire pour les personnes en chaise roulante, elle est aussi utile pour les poussettes, les chariots de livraison, les personnes en béquilles, etc., donc à un public bien plus large. On applique la même approche en pédagogie universelle.
Emilie Collette : Ainsi, par exemple, des vidéos sous-titrées pour les rendre accessibles aux personnes malentendantes sont utiles aussi aux personnes dyslexiques ou de langue étrangère, ou encore pour travailler en bibliothèque. En fait, en diversifiant les moyens de représentation du contenu, on répond à une multiplicité de besoins liés à une situation de handicap, une fragilité ou simplement à un contexte de vie. Un parent solo ou une personne absente pour longue maladie ont aussi des besoins particuliers.
Comment la mise en œuvre de ce projet va-t-elle se faire ?
Mariane Frenay : L’enjeu du projet, c’est de faire changer la conception des enseignants. Plutôt que de passer beaucoup de temps et d’énergie pour adapter leur cours et leurs supports à tel ou tel cas particulier, concevoir en amont un cours à la portée universelle fait que l’enseignant y gagne car il ou elle ne doit pas réadapter son cours et son matériel à chaque nouvelle situation. Et les étudiants aussi car tout un chacun peut trouver ce qui s’adapte le mieux à sa situation de vie, en échappant, de surcroît, à la stigmatisation.
Emilie Collette : Un projet pilote mené sur trois cours s’est étendu de 2021 à 2024. Il s’agit maintenant de passer à l’échelle de l’université entière. Les équipes enseignantes ont besoin d’accompagnement pour prendre conscience de la diversité des besoins de la population étudiante et pour mettre en œuvre de nouvelles pratiques. Cela se fait par de la création de matériel, des modules de formation et du coaching. Via ce projet, la recherche se poursuit pour mieux comprendre les freins qu’ont les enseignants, mais aussi pour identifier les leviers qui favorisent les changements de pratiques et, bien sûr, évaluer l’efficacité de ces pratiques.