La démocratie au guichet : les citoyens au cœur des interactions administratives
La probation en Belgique francophone : un laboratoire pour la participation des citoyens à la mise en œuvre des services publics

 pour l'obtention du grade de Doctorat en sciences politiques et sociales

Résumé

Pour pallier le déficit de confiance vis-à-vis des autorités politiques, administratives et judiciaires, la participation des citoyennes et des citoyens aux affaires publiques, notamment à partir de dispositifs ad hoc de démocratie dite participative, délibérative ou directe, est souvent présentée comme l’un des leviers qui permettrait d’améliorer leur rapport à l’État. A contrario, leur participation aux services publics du quotidien, au travers de leurs interactions avec les administrations – les interactions administratives –, demeure une zone d’ombre dans la recherche. Ma thèse de doctorat aspire à combler ce manque en s’intéressant à un secteur singulier, par sa nature coercitive : celui de la justice. Plus particulièrement, je me suis intéressé à la participation des justiciables à la mise en œuvre des mesures probatoires, qui se situent à l’intersection de la coercition, susceptible de freiner leur implication active, et de la réhabilitation, de nature à l’encourager. En m’appuyant sur les apports des études consacrées aux administrations de première ligne ainsi qu’aux ressources et fardeaux administratifs, je décentre la perspective des acteurs (agents publics et citoyens) vers les dynamiques relationnelles et de pouvoir qui gouvernent leurs interactions. En adoptant cette approche relationnelle, qui invite à considérer les relations complexes qui lient citoyens et État, je mets en lumière, d’une part, les modalités de participation de la population aux services publics du quotidien et, d’autre part, l’influence qu’elle peut exercer sur le cours et les issues des interactions administratives.
Par le biais d’un dispositif méthodologique longitudinal, mêlant observations directes et répétées d’interactions entre probationnaires et agents de probation ainsi qu’entretiens avec ces acteurs, mon enquête rompt avec le portrait d’un citoyen passif au guichet des administrations. Nonobstant la nature punitive des interactions en première ligne en contexte de probation, la plupart des probationnaires participent activement à la mise en œuvre de leur mesure judiciaire. Une partie des résultats prend la forme d’une typologie des interactions selon les dynamiques relationnelles et de pouvoir qui y prévalent – mécanisées, inversées, antagonistes et collaboratives –, auxquelles les probationnaires contribuent par diverses modalités de participation : pratiques de conformité, de persuasion, de protestation, de subversion, de résistance et de désengagement. L’(in)expérience judiciaire et le rapport à la justice qui en résulte façonnent initialement l’expérience de la probation, les fardeaux administratifs associés aux interactions et les pratiques adoptées par les justiciables. Toutefois, la recherche montre que la relation interpersonnelle à l’agent – impersonnelle, instrumentale, de méfiance et de confiance –, qui se développe au fil des contacts, peut progressivement redéfinir l’expérience des probationnaires. Selon sa nature, cette relation affecte les fardeaux perçus, les pratiques des justiciables et, ce faisant, les dynamiques relationnelles et de pouvoir qui prévalent.
En définitive, ma recherche doctorale décrypte les dynamiques qui gouvernent les interactions administratives en pointant, d’une part, les relations complexes qui lient les citoyens à l’État et, d’autre part, le rôle décisif que peuvent jouer les agents de première ligne dans la pacification de ces relations. En faisant preuve de considération à l’égard de probationnaires défiants vis-à-vis de la justice, les agents de probation parviennent, en effet, à encourager le respect de la mesure probatoire et un véritable travail de réhabilitation.

Membres du jury                                                                                                
Prof. Dr. Claire Dupuy (Université catholique de Louvain), présidente du jury
Prof. Dr. Nathalie Schiffino-Leclercq (Université catholique de Louvain), promotrice
Prof. Dr. Stéphane Moyson (Université catholique de Louvain), promoteur et secrétaire du jury
Prof. Dr. Vincent Dubois (Université de Strasbourg), membre du comité d’accompagnement
Prof. Dr. Frédéric Schoenaers (Université de Liège), membre du comité d’accompagnement
Dr. Blandine Mesnel (Université Paris-Panthéon-Assas), membre du jury

Teams : Soutenance publique Anthony Ricotta | Réunion-Joindre | Microsoft Teams.